Stig Dagerman (1923 - 1954)

par K.S.

Le 4 novembre 1954, disparaissait l’écrivain, dramaturge, journaliste et anarcho-syndicaliste suédois Stig DAGERMAN, dans la banlieue de Stockholm.

Il était né le 5 octobre 1923 à Älvkarleby, Suède. Enfant naturel, il n’a que quelques jours lorsque sa mère le confie à ses grands-parents paternels, sans plus se soucier de lui par la suite. Cet abandon le marquera à jamais, et transparait dans plusieurs de ses œuvres, notamment L’Enfant brûlé. Et dans un recueil de nouvelles, Tuer un enfant [1], Dagerman fait comprendre, de façon sensible et non manichéenne, la complexité des situations des personnes en présence, la maltraitance psychologique, sociale et familiale, de l’enfant, et le poids des violences sociales. Celles-ci ne sont évidemment pas étrangères à l’alcoolisme très présent dans ces textes qui reflètent la réalité de la société que montre Dagerman.

En 1932, il vient à Stockholm pour y poursuivre ses études et retrouver son père ouvrier qui très tôt l’amène aux réunions du mouvement anarcho-syndicaliste. Il est également attiré par l’anarchisme et c’est dans ce milieu, particulièrement dans le mouvement de jeunesse des anarchistes suédois qu’il fait ses premiers pas en tant que journaliste et écrivain, collaborant au journal anarcho-syndicaliste Arbetaren (Le Travailleur) et à la revue littéraire 40-tal.

Il se marie en 1943 avec Anne-Marie Götze, qui obtient ainsi la nationalité suédoise, alors qu’elle est la fille d’un anarcho-syndicaliste allemand recherché par les nazis. Il divorce en 1950 et se remarie avec une actrice, Anita Björk.

Courte vie que celle de Stig Dagerman qui se suicide à l’âge de 31 ans, en 1954.

La plupart de ses écrits engagés sont réunis dans La Dictature du chagrin et autres écrits politiques, mais l’ensemble de ses œuvres, pièces de théâtre et romans, témoignent d’une vision pessimiste de l’humanité, en lien avec une très grande sensibilité et une empathie pour les autres, par exemple lorsqu’il témoigne de la souffrance et de la misère du peuple allemand ayant survécu au nazisme et aux bombardements alliés [2]

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, titre de son dernier écrit, pourrait à lui seul dire la souffrance de Stig Dagerman, tiraillé entre son pessimisme – lié sans doute aux blessures de l’enfance – et l’espoir peu à peu déçu d’une société plus juste et plus solidaire.

Il dit se sentir semblable au héros du Loup des steppes : « Comme lui je fais partie de la famille des suicidaires, c’est-à-dire pas nécessairement de ceux qui mettent fin à leurs jours, mais de ceux qui ont toujours la mort à leurs côtés, pour plus de sûreté, pour parler avec elle, pour espérer en elle. » [3]

Parmi les citations extraites de ses œuvres, en voici deux, tirées de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, témoignant de sa position d’individualiste solidaire :

« Je ne possède pas de philosophie dans laquelle je puisse me mouvoir comme le poisson dans l’eau ou l’oiseau dans le ciel. Tout ce que je possède est un duel, et ce duel se livre à chaque minute de ma vie entre les fausses consolations, qui ne font qu’accroître mon impuissance et rendre plus profond mon désespoir, et les vraies, qui me mènent vers une libération temporaire. Je devrais peut-être dire : la vraie car, à la vérité, il n’existe pour moi qu’une seule consolation qui soit réelle, celle qui me dit que je suis un homme libre, un individu inviolable, un être souverain à l’intérieur de ses limites. »

« Tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre, je suis moi aussi une puissance. Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté. Mais ma puissance ne connaîtra plus de bornes le jour où je n’aurai plus que le silence pour défendre mon inviolabilité, car aucune hache ne peut avoir de prise sur le silence vivant. Telle est ma seule consolation. Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus qu’une consolation et plus grande qu’une philosophie, c’est-à-dire une raison de vivre. »

Léonore


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