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Laissez venir à moi les petits-enfants…

dimanche 1er avril 2018, par K.S.

« Faire ses Pâques » est assurément une locution d’actualité, pour cette fin de « semaine sainte ». Pour en comprendre le sens, du fait d’une éducation religieuse brève et lointaine, j’ai dû aller à la source sur la toile et, parmi des propositions de décoration d’oeufs à cacher dans le jardin, ou de délicieuses confiseries au chocolat, j’ai découvert le « blog de l’abbé Laffargue, site de formation spirituelle, liturgique et théologique catholique » [1] à même de combler mes lacunes en matière de rédemption.

Le visiteur y apprend qu’au moins une fois par an, au moment de Pâques, le catholique doit se confesser. Or « Pour la grande douleur du Christ, de son Eglise et de ses pasteurs, certains pratiquants (et dont certains communient ! commettant ainsi un grave péché) ne se confessent jamais. » D’autre part, le croyant conscient d’être l’auteur de graves péchés doit obligatoirement se confesser. En note, l’auteur du blog précise : « Ce n’est pas parce qu’on n’a pas conscience d’avoir commis un ou des péchés mortels qu’on n’en a pas commis ! Car on a le devoir d’éclairer sa conscience en lisant le Catéchisme, en questionnant un prêtre sûr. Sinon, on s’arrange une religion à sa guise. Quand le péché est là et qu’on ne l’a pas fait sortir, comme un cancer, il ronge et détruit la vie de l’âme. »

Ces propos m’amènent à me questionner, tout comme certains catholiques, sur le sujet de la pédophilie au sein de l’Église catholique…

Les prêtres pédophiles sont-ils conscients de la gravité de leurs pratiques ? De même, leurs confesseurs, leurs supérieurs hiérarchiques ayant connaissance des faits ? Ce péché semble bien avoir rongé, tel un cancer, l’ensemble du clergé catholique.

Récemment, le 21 mars dernier, France 3 abordait le sujet dans une émission intitulée « Pédophilie, un silence de cathédrale ».

La première partie consistait en un documentaire donnant la parole à plusieurs victimes d’abus par des prêtres, et en une interview de Christian Terras de Golias [2] qui eut des mots très durs, parlant de pratiques maffieuses, et de perversion tant des prêtres pédophiles que de l’institution catholique en son entier. Marie Collins, une irlandaise victime à douze ans d’abus de la part d’un prêtre, expliqua le pourquoi, après sa nomination à la Commission vaticane de protection de l’enfance, de sa démission au bout de trois ans, devant l’immobilisme de l’Église qui, selon elle, fonctionne comme un parti politique, le Pape y ayant ses soutiens comme ses opposants.

Ni elle ni Christian Terras ne faisaient pas partie des invités du débat qui suivit : respectueusement interrogés par l’animatrice, Carole Gaessler, ils semblèrent chercher la quadrature du cercle : éradiquer des pratiques pédophiles destructrices pour les victimes, briser l’omerta qui les entoure, obtenir leurs condamnations au civil et la reconnaissance de ces fautes par l’Église, tout en se revendiquant comme catholiques sincères faisant partie intégrante de cette institution.

Certes, il serait abusif de dire que, lors du débat, le sujet ne fut pas abordé sérieusement. Certes, il fut reconnu que le principe de « correction paternelle » en usage dans l’Église permettait de protéger de la justice de la société civile ces prêtres, simplement déplacés de paroisse en paroisse, d’un établissement scolaire à un autre, dès lors que les rumeurs, les plaintes commençaient à se faire jour. Le secret de la confession venant renforcer ces dispositions.

Les victimes, Olivier Savignat, et François Devaux, président de l’association La Parole libérée [3] eurent tout loisir de s’exprimer. Un parcours douloureux non encore terminé.

Isabelle Gaulmyn, rédactrice en chef de La Croix, évoqua le comportement moutonnier des fidèles, peu enclins à critiquer l’Église, ce qui conforte le système de l’institution.

Stéphane Joulain, prêtre et psychothérapeuthe, resta très discret sur les raisons profondes de la pédophilie au sein de l’Église.

Quant à Luc Crepy, évêque du Puy en Velay et responsable actuel de la « Cellule permanente de lutte contre la pédophilie » [4], il reconnut l’existence de dispositions permettant à la hiérarchie de protéger les prêtres pédophiles de la justice civile, et mentionna, entre autres initiatives, l’organisation par le cardinal Barbarin [5] d’une « messe canonique de pardon ».

Nous étions loin, alors, de l’analyse critique de Christian Terras affirmant, chiffres à l’appui, une plus grande fréquence de pratiques pédophiles au sein de l’Église catholique que dans l’ensemble de la société, en raison d’un rapport perverti à la sexualité.

Pour comprendre ce phénomène de pédophilie qui empoisonne l’Église depuis bien longtemps, et ce dans divers pays, il faut envisager plusieurs facteurs.

D’une part, il y a l’obligation du célibat des prêtres, décidé au 12ème siècle, permettant à l’Église d’hériter les biens de ses membres non mariés et sans descendance officielle. D’autre part, les « pères » sont fréquemment au contact d’enfants, grâce au catéchisme, aux camps de scouts et autres activités proposées par les paroisses et diocèses. Enfin, il existe une représentation particulière des femmes distillée au cours de la formation des séminaristes : « Les femmes étant présentées comme des diablesses, mise à part la vierge Marie, c’est tout naturellement en quelque sorte qu’ils [les prêtres] se tournent vers les pensionnaires, « aimés en Jésus-Christ » selon la formule adéquate. » [6]

Cependant, certains ecclésiastiques trouvent d’autres voies, plus respectueuses de l’être humain, pour une sexualité qui ne peut, sans dommage, être mise sous le boisseau.

Ainsi un livre doit sortir prochainement à partir du reportage effectué par le journaliste italien Carmelo Abbate sur les mœurs des prêtres à Rome : Sexe au Vatican [7]. Quelques extraits parus sur le site de France-Soir donnent une idée de son contenu explosif : « Sexe au Vatican est un livre révélations sur les mœurs des prêtres à Rome. Abus sexuels sur des religieuses, avortements forcés, chèques du Vatican pour acheter le silence des mères élevant des fils et filles de prêtres... » [8].

N’ayant pas encore eu en mains cet ouvrage qui fait déjà scandale au sein de l’Église catholique, je ne peux que me réjouir cependant qu’il existe chez les prêtres des pratiques sexuelles plus joyeuses et moins sordides que celles, évoquées plus haut, et qui sont venues au jour malgré les barrages opposés par la hiérarchie, évêques et cardinaux.

Léonore


[2Revue qui se présente comme « l’empêcheur de croire en rond  » : On y trouve une critique virulente du fonctionnement de l’Église qui doit « sortir d’un système de monarchie absolue de droit divin » et des propositions de réforme telles que le mariage des prêtres, l’ordination des femmes, l’acceptation du mariage pour tous, s’y ajoutant le ferme refus des thèses du Front national.

[3La Parole libérée, Association d’aide aux anciens du groupe saint Luc et aux victimes de pédophilie en général. Site : https://www.laparoleliberee.fr/m%C3....

[4En 2017, à la demande de la Confrérie Royale, Mgr Crépy autorise le pèlerinage légitimiste du Puy à devenir annuel. « Le pèlerinage jubilaire de la Confrérie Royale et de l’Union des Cercles Légitimistes de France doit être un moment privilégié de ferveur catholique et royale dans un esprit de reconquête spirituelle et politique du Royaume de France. » selon le site « Pélerinages de France » http://pelerinagesdefrance.fr/Peler....

[5Le cardinal Barbarin, primat des Gaules, est soupçonné d’avoir couvert les pratiques pédophiles d’un prêtre aujourd’hui mis en examen et a été entendu en 2016 par la brigade départementale de protection de la famille.

[6« La pédophilie ecclésiastique catholique galopante », article paru sur https://penselibre.org/spip.php?art... à propos du livre de Narcisse Praz : « Gare au gorille – la pédophilie ecclésiastique catholique galopante expliquée aux enfants » Les Éditions libertaires, avril 2010.

[7Carmelo Abbate , Sexe au Vatican, Éditions Michel Lafon