
Sur ce sujet, Marc Prévôtel a publié plusieurs articles de fond dans « L’Anarcho-syndicaliste » [1], « Le Monde libertaire » [n° 329, 29.10.1979, n° 456, 7 octobre 1982]], « La Rue » [n°27, 2ème semestre 1979]], « Laïcité » [n° 1 à 4, mars à juillet 1983]], « Le Magazine libertaire » [2], et « Les Cahiers d’Aristide Lapeyre » [3]. Les voici réunis, organisés et complétés dans cette nouvelle édition [4]. A noter, outre la récente préface de Joachim Salamero, celle de Paul Lapeyre qui présentait la première édition [5]
[*Marc Prévôtel démonte avec détermination et lucidité les procédés utilisés par l’Eglise Catholique pour regagner le terrain perdu pendant un temps, celui de la Loi de 1905, encore que dès le début, de multiples entorses en aient affaibli l’intention initiale. Pour l’Eglise, retrouver son influence sur la société civile passe évidemment par l’infiltration de différents milieux, notamment celui du mouvement ouvrier et bien entendu celui de l’enseignement.*]
Pour entrer dans la place, rien ne vaut l’utilisation d’un vocabulaire ambigü, le dévoiement des termes, le flou des projets. Des prêtres ouvriers, envoyés au charbon puis récupérés de gré ou de force, à l’autogestion version CFDT [6], tout un programme ! Hélas, certains se laissent abuser. « A gauche, à l’extrême gauche, dans le mouvement révolutionnaire, certains confondront l’individualisme anarchiste ou les Droits de l’Homme et du citoyen avec le personnalisme d’Emmanuel Mounier, l’appropriation collective des moyens de production par les travailleurs avec l’autogestion, allant même jusqu’à présenter la Charte d’Amiens (1906) comme le prototype de la « révolution autogestionnaire ». » [7]
Pour démasquer l’adversaire, rien ne vaut la mise en lumière de ses propos. L’auteur va donc puiser aux sources. Les citations parlent d’elles-mêmes :
« … il pourrait revenir au christianisme d’être le héraut d’une éthique spirituelle et d’une mystique qui fondent la liberté, la justice et l’amour sur un roc solide. […] Réduire la religion à un opium, une illusion ou une névrose est devenu insoutenable. Dans la mesure où le christianisme, plutôt que de condamner le monde moderne, a entrepris de faire lui-même son autocritique, il devient sinon crédible, du moins digne d’attention et, qui sait, attrayant. » [8]
« Pour pénétrer de saints principes une civilisation et l’imprégner d’esprit chrétien, Nos fils ne se contenteront pas des lumières de la foi ni d’une bonne volonté ardente à promouvoir le bien. Mais il faut qu’ils soient présents dans les institutions de la société et qu’ils exercent du dedans une influence sur les structures. » [9]
« … les laïcs doivent assumer comme leur tâche propre le renouvellement de l’ordre temporel. Si le rôle de la hiérarchie est d’enseigne et d’interpréter authentiquement les principes moraux à suivre en ce domaine, il leur appartient, par leurs libres initiatives et sans attendre passivement les consignes et directives, de pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de leur communauté de vie. » [10]
Et voici un remarquable aveu : « Ainsi le cléricalisme est-il la confusion des ordres, spirituel et politique – la confusion et non l’indivision -, car la notion de cléricalisme n’est intellectuellement recevable qu’après une distinction préalable entre ce qui figure ontologiquement dans la mouvance du religieux et ce qui n’en relève qu’indirectement ou même aucunement […]. Cette dualité des ordres, civil et ecclésiastique, le cléricalisme la tient pour nulle et il se comporte comme si elle n’existait pas. » [11]
Formulation à rapprocher de la suivante, qui a de quoi de faire frissonner : « Le fascisme est profondément humain. Il ne considère pas l’homme comme opérant par des catégories différentes de vie : homme religieux, homme social, homme économique ; mais il le considère dans son unité indivisible d’être spirituel. C’est là une doctrine politique dans le sens le plus haut du terme. Conception totalitaire de la vie, elle se pose comme un nouvel humanisme. » [12]
Cet ouvrage devrait être lu systématiquement par tout militant syndical, tout propagandiste des « lendemains qui chantent » révolutionnaires. Quant aux « intégristes de la laïcité », dont nous sommes, ils y trouveront une mine d’informations précieuses, car « Rationaliste, il (Marc Prévôtel) a « fait une documentation », essentiellement alimentée par des ouvrages écrits par des cléricaux. » [13]
Ce livre a obtenu le prix « Ni dieu, Ni maître » 2008.
S.K.S