Accueil > Objections > Il y a 40 ans, la peine de mort était enfin abolie en France

Il y a 40 ans, la peine de mort était enfin abolie en France

samedi 9 octobre 2021, par K.S.

Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, alors garde des Sceaux, montait à la tribune de l’Assemblée nationale pour demander l’abolition de la peine de mort. Le 9 octobre suivant, la loi était promulguée au terme de trois jours de débats parlementaires d’une rare intensité.

Sur son site, Amnesty international invite à célébrer les 40 ans de l’abolition de la peine de mort en France. Mais rappelle qu’aujourd’hui encore 55 autres pays utilisent encore cette sentence.

Exemple : « Au Nigeria, pour avoir volé dans un magasin, vous pourriez être condamné à mort. En Iran, pour avoir consommé de l’alcool sur la voie publique, vous pourriez être condamné à mort. En Malaisie, pour avoir acheté de l’herbe, vous pourriez être condamné à mort. » Tel est le thème de la nouvelle campagne d’affichage de l’organisation. En savoir plus : https://www.amnesty.fr/peine-de-mor...

Pour rappel, Albert Camus s’opposa avec constance à la peine de mort, non seulement sur un plan philosophique, mais aussi en écrivant inlassablement pour « sauver les corps », y compris lorsqu’il s’agissait de personnes avec lesquelles il était en total désaccord.

« Qu’un seul homme puisse justifier les principes qui conduisent à la guerre et à la terreur et il y aura guerre et terreur. Il faut donc bien que nous disions clairement que nous vivons dans la terreur parce que nous vivons selon la puissance et que nous ne sortions de la terreur que lorsque nous aurons remplacé les valeurs de puissance par les valeurs d’exemple. Il y a terreur parce que les gens croient ou bien que rien n’a de sens ou bien que seule la réussite historique en a. Il y a terreur parce que les valeurs humaines ont été remplacées par les valeurs du mépris et de l’efficacité, la volonté de liberté par la volonté de domination. On n’a plus raison parce qu’on a la justice et la générosité avec soi. On a raison parce qu’on réussit. A la limite, c’est la justification du meurtre.
[…]
Il n’y a qu’un seul problème aujourd’hui qui est celui du meurtre. Toutes nos disputes sont vaines. Une seule chose importe qui est la paix. Les maîtres du monde sont aujourd’hui incapables de l’assurer parce que leurs principes sont faux et meurtriers. […] Ceux qui ne veulent pas tuer doivent parler, et ne dire qu’une seule chose, mais la dire sans répit, comme un témoin, comme mille témoins qui n’auront de cesse que lorsque le meurtre, à la face du monde, sera répudié définitivement.
 » (Extrait de « Nous autres meurtriers », article paru dans Franchise, novembre-décembre 1946.)

« Quand la mort devient affaire de statistiques et d’administration, c’est, en effet, que les affaires du monde ne vont pas. Mais si la mort devient abstraite, c’est que la vie l’est aussi. Et la vie de chacun ne peut pas être autrement qu’abstraite à partir du moment où on s’avise de la plier à une idéologie. Le malheur est que nous sommes au temps des idéologies totalitaires, c’est-à-dire assez sûres d’elles-mêmes, de leur raison imbécile ou de leur courte vérité, pour ne voir le salut du monde que dans leur propre domination. Et vouloir dominer quelqu’un ou quelque chose, c’est souhaiter la stérilité, le silence, ou la mort de ce quelqu’un. » (« Le Témoin de la liberté », décembre 1948, in Actuelles).

« Les sociétés dans lesquelles l’homicide est légitime comme un acte de justice, uniquement parce qu’il est précédé par un simulacre de jugement, peuvent-elles se prétendre civilisées ? Peut-on sérieusement continuer de croire qu’il est possible de remédier au mal irréparable d’un premier meurtre par un second uniquement parce que ce dernier est recouvert du voile de l’autorité ? Allons donc ! Quelles que soient les justifications que cherchent les juristes, la peine de mort reste comme on l’a dit « le plaisir de tuer son prochain en cérémonie » : mais une cérémonie officielle ne peut suffire à changer la nature de l’assassinat. » « Appel contre la peine de mort » rédigé par un comité d’initiative italien et soutenu par Gilbert Walusinski et Albert Camus, septembre-octobre 1953).

Ces extraits sont tirés du livre remarquable d’Eve Morisi, Albert Camus contre la peine de mort, Gallimard, 2011. On pourra également retrouver l’engagement de Camus avec « Réflexions sur la guillotine », dans Réflexions sur la peine capitale, en collaboration avec Arthur Koestler et Jean-Bloch-Michel, Paris, Gallimard, Folio, 2002.