Bi centenaire de la naissance de
Charles Darwin
La théorie de l’évolution encore controversée 150 après...

par K.S.

Dans un article « Science et hasard » [1] Jean-Michel Besnier fait remarquer ceci :
« Les religions et les sciences ont en commun de détester le hasard. Les premières s’en remettent à un plan divin pour l’éliminer. Les secondes se persuadent qu’il résulte seulement de notre ignorance et qu’il disparaîtra dès lors que nous serons plus savants. Dieu d’un côté, pour assurer que rien dans l création n’a été fait par hasard. L’idéal d’un ordre cosmique de l’autre, pour garantir que tout est déterminé jusque dans le moindre des détails. Charles Darwin, qui n’était pas spécialement porté sur la religion, osa braver cet idéal et faire du hasard une réalité objective, le moteur même de l’évolution du vivant : cette évolution fonctionne selon lui grâce à des mutations aléatoires que ne justifient pas, à titre de finalité, la survie des espèces qui les utiliseront. Des mutations seulement utiles parce qu’elles offrent un panel de variations à la sélection naturelle, qui n’obéit à aucun projet. C’est cette placide acceptation du hasard qui fait encore l’essentiel du scandale provoqué par la théorie de Darwin. »

Charles Darwin, l’auteur de « L’Origine des espèces  », naît le 12 février 1809 à Shrewsbury (ouest de l’Angleterre) dans une famille aisée. Son père médecin l’oriente vers les études médicales, alors qu’il se sent plutôt disposé à suivre l’exemple de son grand-père Erasmus Darwin, naturaliste réputé. Horrifié par les opérations, alors pratiquées sans anesthésie, et s’ennuyant aux cours, il abandonne la médecine. Son père l’envoie alors étudier la théologie. Mais déjà Darwin se passionne pour les sciences naturelles.

Un de ses professeurs le recommande à Robert FitzRoy, capitaine du Beagle, qui cherche un compagnon pour une expédition scientifique de deux ans autour du monde. A 22 ans, Darwin embarque pour un voyage de cinq années, avec des escales au Brésil, aux îles Galapagos, à Tahiti, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
« Le voyage du Beagle fut de loin l’événement le plus important de ma vie » dira par la suite Charles Darwin.

En effet, ses nombreuses observations et collectes de spécimens de la flore et de la faune (notamment des pinsons) des régions traversées sont le point de départ d’un premier ouvrage Le Voyage du Beagle publié en 1839, et l’amèneront peu à peu à déduire que les espèces subissent une constante évolution.

Egalement en 1839, il se marie avec sa cousine, Emma Wedgwood. Le couple aura dix enfants. Tout au long de sa vie, Charles Darwin souffrira d’une santé fragile.
Des années s’écoulent, années de maturation et d’élaboration de sa théorie.

[(Dans un « numéro anniversaire [2] » intitulé « L’héritage Darwin » des dossiers de La Recherche, on trouve ainsi exposé le cheminement « De l’idée à l’ouvrage » :

1834 : Darwin réfléchit pour la première fois à l’origine et à l’extinction des espèces.

1835 : Rupture intellectuelle avec Lyell : l’apparition des espèces n’est pas déterminée seulement par les conditions locales.

1836 : Darwin étudie les pinsons des Galàpagos et rompt totalement avec l’adaptationnisme de Lyell.

1837 : Il s’établit à Londres et rédige son « carnet B » sur les lois de la vie.

1838 (septembre) : il s’intéresse à l’œuvre de l’économiste anglais robert Malthus.

1838 (novembre) : il fait le parallèle entre élevage et sélection naturelle.

1839 (mars) : Il attribue un rôle prépondérant aux variations aléatoires.

1844 : Darwin rédige plus de 200 pages qui résument ses recherches sur l’évolution. Ce manuscrit ne sera publié qu’en 1909.

1859 : Publication de L’Origine des espèces. )]

Alors qu’un autre naturaliste, Alfred Russel Wallace, lui écrit en 1858 pour lui exposer des conceptions très proches des siennes, Darwin se décide à rendre publics ses travaux. Il le fait conjointement avec Alfred Russel Wallace dans une conférence, puis vient la première version de L’Origine des espèces le 24 novembre 1859. Il y expose ainsi sa théorie dans l’introduction :
« Comme il naît beaucoup plus d’individus de chaque espèce qu’il n’en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s’ensuit que tout être, s’il varie, même légèrement, d’une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d’une façon naturelle. En raison du principe dominant de l’hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée. »

[*Ainsi, la diversité des espèces vivantes et leur évolution en d’autres espèces nouvelles résultent d’une longue série de transformations biologiques. Cette théorie s’oppose radicalement à l’idée selon laquelle une divinité aurait directement créé la Terre et tous les êtres qui la peuplent. L’espèce humaine est une espèce animale elle-même issue d’autres espèces.*]

[(C’est à la fois un grand succès et un énorme scandale car les autorités religieuses y voient (à juste titre !) une réfutation de la doctrine chrétienne de la création du monde.)]

En effet, dire que les espèces ne sont pas immuables, « c’est comme avouer un meurtre », confie Darwin en 1844.

En 1871, dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe, Darwin démontre que l’homme et le singe descendent d’un ancêtre commun. « L’homme porte toujours dans sa constitution physique le sceau ineffaçable de son humble origine. » Cléricaux et conservateurs s’enflamment, le débat fait rage, et ce n’est pas terminé, puisque en ces premières années du XXIème siècle, les créationnistes et partisans de l’intelligent design continuent à contester les faits, lesquels sont, on le sait, têtus…

De même, une lecture partisane des ouvrages de Darwin a pu conduire à des théories racistes, alors que lui-même détestait l’esclavage, et déplorait les effets du peuplement européen sur les aborigènes d’Australie comme sur les māoris de Nouvelle-Zélande.

Darwin meurt en 1882 à 73 ans.

S.K.S.