Kenzaburō Ōe
Article mis en ligne le 28 avril 2023
dernière modification le 19 avril 2024

par SYLKNOE

Ce 3 mars 2023, Kenzaburō Ōe est mort de vieillesse, selon l’annonce de sa maison d’édition Kōdansha. Quelques médias en ont parlé, mais ce grand écrivain, Prix Nobel 1994, militant pacifiste et antinucléaire, auteur de nombreux romans et nouvelles, d’essais, d’articles dans la presse nippone et internationale, semble bien peu présent dans la plupart des médias. D’ordinaire, au décès d’un personnage de cette envergure, il est d’usage de rattraper l’éventuel silence à son sujet par quelques articles nécrologiques. Mais là, presque rien [[On trouvera ci-dessous l’excellent article paru dans le numéro d’Avril de L’union pacifiste] .

Pourquoi ?

Il est vrai qu’aujourd’hui se fait jour, jusque chez certains écologistes ( ?) et dans une partie de la gauche, une tentative de réhabiliter le nucléaire, civil bien sûr, devenu vertueux car supposé ne pas aggraver l’effet de serre. Cependant, paradoxe, les mêmes s’inquiètent des risques liés à la guerre en Ukraine et aux attaques de la centrale Zaporijjia.

Kenzaburo Oé, lui, ne s’est pas laissé prendre. Cependant, en tant que pacifiste convaincu – on aurait envie de dire intégral – il fut un temps moins sévère à l’égard du nucléaire civil que de son homologue militaire. Mais les carences, les imprudences et les compromissions du pouvoir japonais comme de l’organisme de gestion Tepco l’ont fait par la suite se déclarer plus nettement.

Né le 31 janvier 1935, il a 10 ans lorsqu‘éclatent les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki. Contrairement à beaucoup de ses contemporains, il ne peut se taire devant les séquelles qui suivent les explosions. Toute sa vie militante comme dans ses Essais, il ne cessera de se soucier des hibakusha et de souligner la façon dont ceux-ci ont été traités par l’occupant étasunien – ils étaient l’objet de recherches et non de soins – et par la population nippone qui les rejetaient.

Il contestait également le pouvoir hyper autoritaire et le réarmement rampant du Japon. Ecolier, il avait reçu une éducation nationaliste et militaire, le préparant à tuer ou à mourir pour ne pas se livrer à l’ennemi. Ses premières rébellions lui valurent maintes « corrections ».

Ses Essais portent essentiellement sur une critique du pouvoir, de la militarisation et sur les désastres engendrés par les bombes nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki et permettent d’entrevoir, d’une façon non pittoresque ou conventionnelle la société nippone.
Les romans et les nouvelles sont souvent d’inspiration autobiographique, en relation avec son enfance isolée à la campagne, et la naissance de son fils handicapé, Hikari, qui deviendra compositeur. Le climat est sombre, et met fréquemment en scène des personnages marginaux. La violence du quotidien transparait quand elle n’est pas clairement le sujet.

Un écrivain multiple, une belle personnalité de militant, il serait dommage de passer à côté de son œuvre.

Décès d’Oé Kenzaburo, Prix Nobel de littérature, fervent défenseur du pacifisme et de la démocratie

L’ÉCRIVAIN ÔE KENZABURÔ, couronné du prix Nobel de littérature, est décédé le 3 mars 2023. L’information a été rendue publique le 13. Il avait quatrevingt-huit ans. Né en 1935 à Uchiko, dans l’actuelle préfecture d’Ehime, au sud-ouest du Japon, il débute sa carrière d’auteur alors qu’il étudie la littérature française à l’université de Tokyo. À vingt-trois ans, il remporte la plus haute récompense littéraire japonaise, le prix Akutagawa, pour une nouvelle intitulée Gibier d’élevage, racontant l’histoire d’un pilote noir américain qui est fait prisonnier par des villageois japonais pendant la guerre. Elle sera adaptée en film, en 1961, par Ôshima Nagisa. Ôe est connu pour sa défense du pacifisme et de la cause antinucléaire ainsi que pour ses réflexions sur les dégâts du militarisme japonais. Parmi ses œuvres les plus célèbres, Seventeen (1961), qui décrit les sentiments de la jeunesse de droite au Japon, et Notes d’Hiroshima (1965), un recueil sur les rescapés de la bombe atomique. Après la naissance de son fils handicapé, il couche sa propre expérience en roman avec Une affaire personnelle (1964). La consécration pour l’intégralité de ses écrits arrive en 1994 lorsqu’il remporte le prix Nobel. Il est le deuxième Japonais à recevoir cette récompense après Yasunari Kawabata en 1968.

En 2004, il crée avec l’historien Shûichi Katô une association pour la défense de la Constitution pacifiste du Japon et milite contre la révision de l’article 9. Ses actions antinucléaires gagnent d’ailleurs en intensité après la catastrophe de Fukushima en 2011. L’année suivante, Ôe Kenzaburô est l’invité d’honneur du Salon du livre de Paris.

In UP avril 2023