En 2015, la Gambie avait voté l’interdiction de l’excision, faisant suite à d’autres mesures prises deux ans auparavant, visant à renforcer le droit des femmes (la violence domestique, physique, sexuelle, psychologique avait été proscrite et la notion de viol, élargie). Et cela, en accord avec le protocole de Maputo de l’Union africaine sur les droits des femmes ratifié par la Gambie en 2005.
Or, tout récemment, le 4 mars dernier, l’Assemblée nationale de Gambie a commencé l’examen d’un texte de loi levant l’interdiction des mutilations génitales féminines, répondant ainsi aux pressions des religieux et des traditionalistes. La proposition a été transmise à la commission des Droits humains, chargée de rédiger un rapport sur la question. Ce document sera ensuite présenté aux députés courant juin, qui voteront alors pour ou contre le retour du droit à exciser.
La législation à elle seule ne pouvait que restreindre quelque peu les pratiques traditionnelles de mutilations souvent faites clandestinement. Mais au moins la loi apportait un recours, même si porter plainte restait difficile pour beaucoup de jeunes filles. Il y aurait, à l’origine de ce risque de régression, l’application de la loi assortie de poursuites judiciaires contre trois femmes exciseuses risquant des amendes et des peines de prison.
Depuis, le Conseil islamique suprême a publié une fatwa assurant la légalité de la « circoncision féminine » au regard de l’islam, et demandé, par la même occasion, au gouvernement de reconsidérer l’interdiction. Des manifestants, hommes et femmes, ont réclamé la légalisation de l’excision, relevant selon eux d’une tradition profondément enracinée et de leur droit à pratiquer leurs coutumes. Le député à l’origine de cette proposition de loi assurant quant à lui que l’interdiction de l’excision actuellement en vigueur était « une violation directe du droit des citoyens à pratiquer leur culture et leur religion, la population gambienne étant majoritairement musulmane ».
Mi-mars, l’ONU a appelé les élus de Gambie à « rapidement retirer » ce projet de loi, « une violation odieuse des droits humains », selon elle. « Le corps des filles leur appartient. Les mutilations génitales féminines les privent de leur autonomie et causent des dommages irréversibles », a réagi de son côté le Bureau des droits humains des Nations unies en Gambie sur le réseau social X.
Isatou Touray, présidente de l’association gambienne GamCoTrap, a fustigé dans Le Monde une « réaction patriarcale qui instrumentalise les femmes et la religion pour mieux contrôler leur corps et à travers elles la société ». Du côté des députés, Gibbi Mballow a fait savoir : « Nous ne devons pas nous cacher derrière l’islam ou la culture pour faire du mal à nos femmes et à nos filles. La religion l’interdit, au contraire. »
Reste qu’à l’évidence, les lois ne suffisent pas à faire évoluer les mentalités, que les traditions ont la vie dure tout comme les religions, en particulier quand elles soutiennent tout à la fois une affirmation contre la culture occidentale, le maintien de la dominance masculine et l’asservissement des femmes.
Léonore