Se révéler à soi-même
K.S.

Sébastien Faure et Max Stirner : deux découvertes qui font se révéler à lui-même André Arru.

Article mis en ligne le 5 avril 2007
dernière modification le 6 février 2018

L’écoute de la conférence donnée à Bordeaux, très probablement en 1933, par Sébastien Faure, constitue pour André Arru (qui se nomme alors Jean-René Saulière) une expérience décisive pour laquelle il emploie le terme de révélation. Habituellement, le mot peut évoquer la divulgation d’un secret, l’accès à une initiation, voire une illumination mystique, mais aussi la découverte de données scientifiques ou de concepts philosophiques qui viennent tout éclairer d’un jour nouveau.
C’est sans doute dans cette dernière acception qu’il convient de prendre l’emploi de ce terme de révélation, encore que l’aspect initiatique ne soit pas à écarter, puisque Jean-René rencontre à cette occasion le milieu libertaire, dans lequel il baignera de nombreuses années.

[*A l’issue des conférences de Sébast, Jean-René a fait l’acquisition, entre autres publications, de brochures traitant de la révolution et de l’incroyance. " Je trouvai dans ces dernières l’argumentation rationnelle qui me manquait pour clarifier mes réflexions sur Dieu et l’Eglise. La Révolution et la société anarchiste me laissaient des doutes, mais je trouvais un remarquable réquisitoire contre la société présente. De lectures en relectures... je finis par rejeter la vision sociale des anarchistes, mais je ne l’ignorais plus. "(*)*]

A présent, Jean-René fréquente un " petit noyau d’anarchistes à tendance individualiste "(*) notamment Serge Grassiot ; rencontre évoluant très vite en une amitié d’une importance comparable selon André à celle qui le liera, quelques années plus tard, avec Voline. Serge est un autodidacte, d’une très vaste culture, parlant et écrivant l’espagnol et l’anglais, apprenant le russe et l’allemand, et vivant petitement de la vente d’un journal ce qui lui laissait du temps libre ; ses besoins étaient modestes. Cependant, il dut finalement recourir à un emploi salarié, et quitta Bordeaux en 1936. Une séparation pénible pour les deux amis.

On peut considérer Serge Grassiot comme un formateur, un ouvreur de voies, indiquant et prêtant à ses compagnons livres et brochures, relançant le débat, dans un climat de liberté et de respect mutuel qui n’excluait pas la passion, bien au contraire.
De nombreux thèmes sont abordés par les compagnons : l’Etat, la Justice, l’Armée, les Religions, les Morales, mais aussi des points concernant plus particulièrement l’individu : la liberté sexuelle, le combat contre la jalousie, la camaraderie amoureuse (chère à E. Armand), le végétarisme, le nudisme, l’évasion de la société, etc...

Puis, tout naturellement aussi, il est amené à fréquenter le groupe libertaire animé par Paul et Aristide Lapeyre, ainsi que « Le Salon », " plaque tournante où se rencontraient des anarchistes de Bordeaux, du sud-ouest et d’ailleurs, lorsqu’ils avaient à prendre contact ou quelque chose à se communiquer, accessoirement ils s’y faisaient couper les cheveux, car il s’agissait d’un salon de coiffure » (*) lequel constituait l’activité professionnelle d’Aristide (portrait à gauche), de Paul et d’autres compagnons.

[*L’oeuvre de Max Stirner, L’Unique et sa propriétéconstitue un nouvelle "révélation",révélation à lui-même, grâce à l’ énoncé sous une forme claire de ce qu’il ressentait profondément. En 1938, il accepte de présenter au groupe, dans le cadre de l’Ecole du militant sa lecture de l’oeuvre. " Je me retrouvai deux mois plus tard expliquant en vingt minutes cinq cent pages de philosophie. Je n’aurais pas aujourd’hui cette inconscience, mais ce travail ne me fut pas inutile. (*) Le texte de cet expos sera publié en 1939, sous forme de brochure, aux éditions Lucifer.*]

Par la suite, nous le verrons, L’Unique restera une référence pour André, et il saura faire découvrir cette oeuvre réellement fondamentale autour de lui, en en conseillant la lecture, en en parlant dans des conférences.

(*) Citations tirées de divers témoignages et notes personnelles d’André Arru.

[(On pourra lire avec fruit, outre les numéros 21/22 et 23/24 du Bulletin du CIRA, les articles "Hier" et "Post-scriptum" dans le numéro 2 des Cahiers des Amis d’Aristide Lapeyre, avril 1986.)]