Accueil > André Arru : Textes, documents et éléments biographiques > > Le Congrès de Rome de 1904
Le Congrès de Rome de 1904
(Congrès international des libres penseurs)
mardi 10 avril 2007, par
...les Libres Penseurs de 1904 étaient bien en avance sur leur temps. La preuve en est faite par l’Eglise catholique, qui, après avoir voué nos penseurs et nos pensées aux bûchers, à l’enfer et aux excommunications, est bien obligée aujourd’hui de modifier ses positions. Après avoir torturé hommes et idées, elle torture ses propres dogmes et a une certaine tendance à présent à l’encontre d’hier, à condamner ses contempteurs trop zélés.
...C’est plus de cinq mille délégués et militants qui se rendirent à Rome et défilèrent dans les rues de la ville, jusqu’à la brèche de la Porte Pia, par où les soldats italiens entrèrent dans Rome le 20 septembre 1870. Voici ce que nous en dit le compte rendu de la Raison du 2 octobre 1904 :
« Ce fut un spectacle inoubliable. Plus de cinq mille libres penseurs formèrent un défilé immense par le Corso Umberto et la Via Nazionale, passant entre deux rangées de vingt mille citoyens qui partageaient le même enthousiasme... Deux cents drapeaux et bannières flottaient sous le ciel pur et représentaient le symbole de la liberté dans la clarté... »
Il y avait des délégués venant de toutes les parties du monde : Allemagne, Angleterre, Belgique, Bohême, Espagne, Hongrie, Portugal, Russie, Tunisie, U.S.A., etc. La France avait sept cents délégués au sein de neuf cents congressistes. On y trouvait de nombreux parlementaires, députés, sénateurs, maires, dont celui de la ville de Lyon. La presse française était largement représentée : L’Huma , L’ Aurore , La Dépêche de Toulouse , L’ Oeuvre , Le Petit Méridional de Montpellier , Le Journal de Charleroi , etc.
[*Des savants de tous pays faisaient partie des délégations : Haeckel, Lombroso, Salmeron, Novikof, Bijoerson, etc. Marcellin Berthelot, président d’honneur de la Libre Pensée française, malade, n’avait pu venir, mais avait envoyé une lettre qui fut lue par Ferdinand Buisson : « ... La science - écrivait-il – impose ses directions dans tous les ordres... Nous établirons dans le monde le règne d’une raison affranchie des anciens préjugés dogmatiques, c’est-à-dire un idéal supérieur, une morale plus haute et plus assurée que celle des temps passés, parce qu’elle est basée sur la connaissance humaine... »*]
[(C’était vraiment grandiose. Le Pape ne s’y trompa pas. Dès la fin du Congrès il écrivait au cardinal vicaire Respighi, une lettre qui fut publiée par L’Osservatore Romano :
« Nous avons appris avec une douleur infinie que les prétendus fidèles de la libre pensée se sont réunis à Rome, et l’écho douloureux de leurs discours ne nous a que trop confirmé les mauvais desseins que nous avions prévus à la simple annonce de leur Congrès.
La gravité de l’injure s’accroît de mille coudées, si l’on réfléchit au lieu où elle vient de s’accomplir et à la pompe extérieure dont on a voulu l’entourer. N’est-ce pas Rome, la cité destinée à garder la majesté de la foi ? Il est vrai que les puissances infernales ne prévalent et ne pourront prévaloir en rien contre l’Eglise ; mais leur réunion en un Congrès de libres penseurs, auquel par surcroît fut donné un caractère international, revêt toujours un caractère d’outrage et de provocation, et il n’est pas besoin de dire qu’il enlève à Rome le titre de siège tranquille et respecté du Vicaire de Jésus-Christ. Aussi nous faisons nôtre l’offense faite à Dieu et nous en recueillons toute l’amertume dans notre coeur. »)]
Il fallait faire quelque chose. La réponse fut rapide, foudroyante : le jeudi 29 septembre 1904, le cardinal Respighi fit réciter dans toutes les églises de Rome le Miserere, les litanies des Saints, et fit donner la bénédiction du Saint Sacrement. Le journal La Raison ajoute :
"Ce jour (29 septembre) a été choisi parce que c’est la fête de saint Michel, le tombeur de Satan, chargé de terrasser aussi les libres penseurs."
Ce fut un éclat de rire parmi ces derniers. Le pouvoir direct inquisitorial de l’Eglise était vaincu, après les bûchers, nous en étions aux prières, bientôt allait venir le temps du dialogue.