"Cyrano, inventeur d’une science fiction."

par K.S.

Sur « Papiers recyclés » http://papiers-recycles.blogspot.com/ Cyrano, inventeur d’une science fiction.

« Si l’on peut voir dans certains livres de la Bible, dans les mythologies égyptienne, grecque et romaine, des événements similaires à ce que l’on rencontre dans les romans de SF moderne, l’association science et fiction, avec l’articulation d’un récit dans un champ scientifique particulier prend corps avec cette curieuse aventure narrée par Savinien Cyrano de Bergerac. »

L’auteur de cet article met en lumière tout à la fois l’invention et la drôlerie de cette « histoire co¬mique », et le courage et l’audace de Savinien Cyrano de Bergerac, le « vrai », dont Edmond Rostand s’est inspiré pour sa célèbre pièce de théâtre.
En effet, comme le soulignait André Knoerr [1], Cyrano est un véritable penseur libre. Il va délibérément à l’encontre des idées reçues de son temps, telles que les imposent l’Eglise et le pouvoir royal.

Son voyage aux « Etats et Empires de la Lune et du Soleil » s’appuie sur des découvertes, des affirmations de scientifiques, Copernic, Gassendi, Galilée, entre autres, contestées par les institutions religieuses et politiques, mais ce récit « d’imagination » parvient à passer pour une simple fantaisie aux yeux du lecteur non averti.

Bien avant Jules Verne, Savinien Cyrano de Bergerac imagine toutes sortes de techniques et d’appareils qui verront le jour plusieurs siècles plus tard.

Par ailleurs, au travers des considérations sur ces mondes différents, filtre tout un ensemble d’idées philosophiques et politiques qui, énoncées directement, vaudraient à leur auteur d’être traîné devant l’Inquisition. Eventualité, du reste, évoquée dans le premier récit (Les Etats et Empires de la Lune) : «  Les prêtres, cependant, furent avertis que j’avais osé dire que la Lune était un monde dont je venais, et que leur monde n’était qu’une lune. Ils crurent que cela leur fournissait un prétexte assez juste pour me faire condamner à l’eau (c’était la façon d’exterminer les athées). [2]  ». A noter l’inversion, un des outils de la science-fiction, sur terre les athées étant brûlés.

Sur « Papiers recyclés  », l’auteur fait remarquer la place de la pomme dans l’énoncé des découvertes scientifiques de l’époque. En effet, le héros de Cyrano « alunit » sous un pommier. « Etonnamment, c’est grâce à la chute d’une pomme – si l’on en croit la légende contée par Voltaire – qu’en 1684, Isaac Newton expérimente sa théorie de gravitation universelle. » Le même personnage rencontre le « Démon de Socrate » qui a fui la terre, peuplée de sots grossiers et d’ignorants, après avoir toutefois apprécié Campanella [3], La Mothe Le Vayer [4] et Gassendi [5].

Lors d’une controverse avec les Lunaires, le voyageur est pris à partie, des savants peu tolérants le promettent à la mort, cependant lors de son procès, il est défendu par un autre, arguant que tout homme est libre et peut s’imaginer ce qu’il voudra, qu’il continuera de croire ce qu’il veut, même s’il avoue penser le contraire. Une critique des méthodes en cours à l’époque pour obtenir des aveux.

Autant de bonnes raisons pour découvrir, ou relire, ces pages savoureuses et vivantes d’un auteur injustement méconnu. Merci donc à François Denivet et à « Papiers recyclés » pour cette incitation.

SKS