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Le rôle du langage dans le combat "sciences contre religions/sectes"

Didier A.

lundi 21 mai 2007

La question examinée ci-après peut se résumer comme suit : « Pour quelles raisons les sciences et les religions/sectes se virent-elles opposées les unes aux autres ? »
A y regarder d’un peu plus près, la conclusion apparaît dans toute sa simplicité : les conséquences de certaines théories de la Connaissance ont apporté des résultats qui ont parfois remis en cause certains dogmes religieux.

Le mot « conséquences » a, ici, toute son importance car, en fait, d’une phrase comme « une théorie contredit l’idée religieuse X » une sorte de délire sémantique, coutumier de nos jours, a fait émerger une phrase qu’on pourrait croire sortie d’un quelconque journal télévisé : « les Sciences sont contre les religions/sectes » [1].

La consonance résolument « aristotélicienne » [2] de cette phrase, tellement frappante, vaut que nous nous y arrêtions un moment. Sa forme tout d’abord : du type « sujet-verbe « être »-prédicat », la seule que nous utilisions dans la vie courante, souvent à notre corps défendant d’ailleurs.  [3] Son objectif : elle fige, en la généralisant, et en une seule formulation intemporelle (passée – présente – future), une situation issue de quelques confrontations, passées ou présentes, entre les résultats de quelques théories scientifiques et des dogmes aussi rigides qu’encombrants ; situation que des croyants de tous horizons, choqués à outrance dans leurs convictions, n’ont jamais pu accepter. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, une théorie ne saurait représenter la totalité des Sciences. Mais, cela, les esprits religieux bornés ne l’ont jamais compris. [4] Les objectifs des sciences ont toujours consisté en l’établissement, ou la tentative d’établissement, d’une « vérité objective » et, si une quelconque « vérité » a vu le jour, les scientifiques, de par leur rôle de chercheurs que la Société leur impose, se devaient de les mentionner, tout comme ils devaient mentionner que les théories… ne sont que des théories, et qu’elle peuvent être remises en question en cas de nouvelles découvertes venant les contredire. Mais non, bien peu de gens voient les choses sous cet aspect, et encore moins ceux qui n’ont pu bénéficier d’une formation scientifique. Ceci explique sans doute pourquoi la Science jouit aujourd’hui d’un rôle extrêmement ingrat : elle n’a pas le droit à l’erreur (idée fausse largement véhiculée par les médias en général) et, malgré son langage sémantiquement « non-aristotélicien », elle a pour charge d’éduquer des masses dont le langage, et les habitudes ancestrales, reposent exclusivement sur des postulats « aristotéliciens ». Du même coup, les théories scientifiques ne peuvent jouir d’une réputation qu’elles méritent (on dit volontiers que les Sciences vont « trop vite » par rapport à l’homme moyen mais rarement qu’elles représentent les moteurs de la Connaissance et de l’évolution des individus).

Seulement voilà, les découvertes scientifiques, bien qu’allant « trop vite » pour l’homme moyen, font quand même progresser les masses (par l’intermédiaire des ouvrages de vulgarisation, de l’Ecole dans une moindre mesure, etc.) et cette progression passe par une évolution du langage (théories scientifiques et concepts philosophiques interagissent, et leurs conséquences s’intègrent plus ou moins dans le langage quotidien). L’univers évolue, les théories aussi : des théories « aristotéliciennes » de Newton ou Euclide, voilà qu’ont débarqué celles, « non-aristotéliciennes » de Relativité, de Mécanique quantique et même du Chaos. Les bigots de tous poils enragent de voir que, malgré tous leurs efforts de plus de 2000 ans, l’Evolution des individus ne peut pas être arrêtée, mais tout juste freinée. « Premiers » arrivés, ils veulent garder leur statut de « dominants » mais la « réalité » les a rattrapés et, acculés dans leurs derniers retranchements, ils brament : « les sciences sont contre les religions/sectes ! ».

Non, les sciences n’ont jamais eu pour objectif d’aller à l’encontre des religions/sectes ! Si, par le passé, ou dans l’avenir, des oppositions ont eu lieu, ou avaient lieu, ceci en faveur de certains théories scientifiques, alors nous pourrons dire dans le plus pur style « aristotélicien » : « c’est un détail de l’Histoire ! ». Par contre, que les religions/sectes s’opposent aux Sciences, qui a encore besoin d’exemples ? Allez, j’en prends au hasard : condamnation des Giordano Bruno, Galilée, Darwin (dans certains Etats américains par exemple), mais surtout utilisation d’un langage « aristotélicien » qui, en figeant leurs conceptions de la « réalité » ne permet pas aux individus de s’adapter au monde qui les entoure et les rend « hermétiques » aux idées scientifiques même les plus simples…


[1Que de grands médias, tels Radio-France ou certaines chaînes de télévision (tous de grands faiseurs d’opinions) s’obstinent à produire des émissions aux titres racoleurs comme « Sciences et Sacré » (sic) révèle assez la main mise de certaines idéologies religieuses sur la Société.

[2Voir, avec profit, l’ouvrage de A. Korzybski « Sciences & Sanity », International Non-Aristotelian Library, Institute of General Semantics, Englewood, New Jersey, USA.

[3Essayez de parler et d’écrire (comme dans le présent article) sans utiliser le verbe être » et vous découvrirez à quel point le conditionnement « aristotélicien », donc religieux d’une certaine manière, conditionne nos pensées d’abord, et nos actes ensuite.

[4A moins que cela ne soit une énième manipulation médiatique pour sortir des magazines aux titres racoleurs ? Et si c’était tout cela en même temps ?