Extrait de la Conclusion de Nouvelle histoire de l’homme [1] :
"Voilà où mène l’aphorisme « L’Homme, c’est l’outil » et ses faux espoirs satellitaires. Le retour si intense au religieux en ce début de troisième millénaire n’est pas la moindre retombée de cette conception insensée de l’Homme, de la Terre et du cosmos. Homo sapiens a un étrange besoin de croire, pas seulement de faire.
Retour sur terre d’une certaine façon. Depuis le Paléolithique, les croyances et les religions ne cessent d’exproprier l’Homme de sa condition naturelle, des premières religions animistes aux divers monothéismes. Selon une perspective trop simpliste pour être exacte, les hommes adoptent des religions animistes – depuis quelle époque du Paléolithique ? – qui les mettent en lien avec l’ensemble de la nature, sans pensée hiérarchique. Puis quelques sociétés de pasteurs-agriculteurs instaurent une autre relation à la nature plus centrée sur l’animal et l’invention des sacrifices.
L’Homme domine l’animal dont la vie contient du sacré. Le Néolithique et le temps des agriculteurs installent une « verticalisation » du monde et des cosmologies avec l’apparition des orants et leurs prières dirigées vers le haut. Les villes, les cités puis les Etats amènent les premières civilisations au sens classique de nos humanités avec une hiérarchisation des sociétés et des panthéons comme des bâtiments, ziggourats et pyramides.
Du panthéon égyptien au panthéon grec, le nombre des déesses et des dieux décroît alors que les figures de ces divinités s’humanisent, un transformisme qui passe de l’anthropozoomorphie hybride à l’anthropomorphie uniforme. Arrive le temps des écritures, des clercs et des clergés avec l’affirmation d’un dieu unique et mâle quelque part au ciel.
Dans le Bassin méditerranéen puis en Europe, l’évolution des techniques et des sciences se met au service de ce rapport au cosmos. Dans ce processus d’élévation, l’animal, le singe, les hommes porteurs d’autres croyances jugées archaïques, la femme et l’enfant ont été abandonnés, méprisés, réifiés. Avec le salut au ciel que pour quelques-uns. Aujourd’hui, le ciel retombe sur la tête des hommes."