Georges Las Vergnas
Pourquoi j’ai quitté l’Eglise Romaine

par K.S.

Dans son livre « Pourquoi j’ai quitté l’Église romaine » [1] Georges Las Vergnas déclare dès l’abord, à propos de sa mère : « C’est dans sa volonté seule que naquit ma vocation ». En 1921, à 10 ans, le jeune Georges entre au petit séminaire puis, âgé de 17 ans, au grand séminaire. Pendant cinq années, on va y dresser son intelligence et sa volonté. « Or, remarque Las Vergnas, l’intelligence est critique par nature et tend au mépris de l’autorité ; tout homme intelligent est un hérétique en puissance. L’Église supporte le clerc éloquent qui n’est original que dans sa façon de répéter et l’érudit qui réfute ou convertit la pensée des autres. Mais elle redoute le philosophe et le savant. »

Quant à l’inhibition de la volonté :
« Le dressage commence au petit séminaire. Tout est prévu pour supprimer l’initiative personnelle. […] Au règlement outrancier, joignez le directeur de conscience. […] Le directeur de conscience prêche la soumission et l’humilité, également chères aux directeurs d’usine.

Dès le début, l’entreprise de conditionnement n’est pas si aisée : « Mes directeurs confondirent toujours éducation et cylindrage ; aussi fus-je toujours en lutte avec eux. »
Cependant : « M’estimant dressé, l’évêque m’appela aux ordres. Je les franchis en quelques jours, du sous-diaconat au sacerdoce. C’est en 1934, à vingt-trois ans, que je renonçai au monde et me donnai à Dieu et à l’Église. Je ne savais rien des uns ni des autres. »

Georges Las Vergnas devient donc vicaire de la cathédrale de Limoges, et en même temps, aumônier du lycée. Il connaît alors les premiers doutes sérieux. Il note : « Je priais mieux dans une forêt que dans une église ; le soleil m’inspirait plus que l’ostensoir et l’océan que le bénitier. »

En 1940, il tente des démarches pour obtenir un emploi civil, sans succès vu l’Ordre Moral qui ne peut tolérer cette demande. L’évêque, averti par G. Las Vergnas lui-même, l’expédie alors dans la Creuse, où il achève un manuscrit ébauché à Limoges : Rencontre du Christ. « Mon héros n’était ni le Christ hébreu, ni le Christ romain. […] Sa mission était de rendre le péché plus alléchant.[…] Il avait un Dieu mais pas de dogmes et son christianisme était celui des âmes. »
Puis « Ami de l’alternance, je passai du Christ à François Villon, truand et clerc tonsuré. [2] ».

Enfin, il s’attelle à la réalisation d’un dictionnaire d’exégèse et de théologie, et s’appuie sur deux défroqués qui l’aideront dans la suite de son évolution, l’abbé Joseph Turmel et Prosper Alfaric.

Georges Las Vergnas prend les uns après les autres les différents points du dogme catholique pour les critiquer avec des arguments précis. Bien mieux sans doute que des libres penseurs élevés hors des croyances religieuses, il sait de quoi il s’agit ! Certains de ses propos sont particulièrement incisifs. Ainsi, à propos de la morale chrétienne :
« Le prêtre n’est pas un moraliste, mais un policier. Il ne cherche pas à former la conscience des hommes, mais à faire respecter l’ordre établi. Ses commandements sont donc à la Morale ce que le code est à la Justice. » Plus loin : «  Procréez dit le prêtre, Dieu y pourvoira ! » Oui, par la famine et la guerre. » « Le christianisme a tout perverti en faisant de la foi une vertu. […] Pour moi c’est la discipline scientifique qui est méritoire. Elle apprend à soumettre la raison au fait et l’imagination à l’expérience. »
La description que fait l’auteur du caractère totalitaire de l’Église est remarquablement convaincante. Infaillibilité du Pape, hiérarchie, obéissance discipline, conditionnement, mais, si l’Église a son propre but, il lui est nécessaire d’avoir la force des Etats à son service. A la question « L’Eglise peut-elle être démocrate ?  » Las Vergnas répond non. « Si elle s’entend si bien avec notre République, c’est que les catholiques y ont des faveurs que n’a point le reste du pays. »

Georges Las Vergnas quitte l’Église en 1945, adhère à la Libre Pensée deux ans plus tard, et en devient un des conférenciers en 1952.

Georges Las Vergnas en conférence à Marseille 1965

Ceux qui ont eu la chance de l’écouter en gardent un souvenir admiratif. La voix est belle, l’articulation parfaite, les phrases bien tournées : il a été à bonne école ! Les sujets sont traités avec à la fois force et érudition. On retrouve du reste ce style dans ses livres [3].

Gagner sa vie lorsqu’au fond, on n’a aucun métier, hormis celui d’homme d’Eglise, s’avère bien difficile. Georges Las Vergnas finit par devenir secrétaire particulier d’hommes politiques.

[(Sur le site Les Archives André Arru, est publié un article d’André Arru paru dans La Raison n° 93, avril 1965, intitulé
Et vive la liberté de conscience qui relate les conditions un peu particulières d’une des conférences de Georges Las Vergnas :

http://www.raforum.info/archivesarr...)]

SKS