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Les Diablesses sur FR3

A propos du téléfilm réalisé par Harry Cleven

dimanche 23 septembre 2007, par K.S.

Jusque dans les années 70, des adolescentes en rupture, des orphelines pauvres, des enfants trouvées, des « filles mères » comme on disait à l’époque, pouvaient être confiées aux sœurs de Notre-Dame de la Charité. Ces institutions, appelées également Maisons du Bon Pasteur, faisaient pendant, pour les filles, aux Maisons de Correction ou de Redressement pour les garçons.
On ne peut affirmer que tous les établissements du Bon Pasteur employaient les méthodes décrites dans le téléfilm « Les Diablesses » réalisé par Harry Cleven et programmé par FR3 le jeudi 20 septembre dernier, à 20 h 55.

Cependant, pour avoir écouté, en tant qu’assistante sociale, les récits de vie de jeunes femmes qui étaient passées par ces institutions, j’ai eu le sentiment que l’histoire racontée là était basée sur des faits authentiques.

Sur le site de la « Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Charité » le Père José Davin, aumônier de l’Aide à la Jeunesse en Belgique, témoigne en faveur des religieuses du Bon Pasteur qui ont été révoltées par le téléfilm. Tout l’article vise à faire du scenario traité dans Les diablesses un cas exceptionnel. « Ce sont des histoires crédibles et véritables, mais certainement exagérées dans leur étendue ». Ainsi « …aucun discernement, ni aucune enquête élémentaire ne viennent étayer les quelques témoignages qui alimentent la trame du téléfilm. » Cependant il parle lui-même au sujet de ces jeunes filles, de « …l’humiliation d’être déconsidérée par l’une ou l’autre religieuse qui les traitait parfois d’ enfants du péché.  » et il reconnaît qu’ «  il est, par exemple, évident que toute l’éducation spécialisée de cette époque reposait sur des méthodes fortes, spécialement vis-à-vis des jeunes violents ou destructeurs. Faute de compétence, faute de moyens humains.  » Et aussi « Partout, et pas seulement chez les religieux qui se sont dévoués sans compter, il y a eu, à cette époque, des débordements, certes toujours regrettables et inadmissibles, mais à replacer dans leur contexte social et culturel ».

Qu’il y ait eu, on non, des mauvais traitements sur le plan corporel (cachot, privation de nourriture et/ou de sommeil), il n’en reste pas moins que les religieuses s’inquiétaient plus de l’édification des âmes perdues que de la santé physique des pensionnaires, selon la dichotomie religieuse qui sépare corps et âme (ou esprit).
Que les rebelles aient été punies, sans aucun doute : elles devaient rentrer dans le droit chemin. Que la brutalité n’ait pas été systématique, comme dans les bagnes d’enfants, c’est probable. Il existe d’autres procédés, plus subtils. Dans le meilleur des cas, en toute bonne foi (c’est le cas de le dire) ces religieuses appliquaient aux enfants les méthodes qu’elles avaient expérimentées pour elles-mêmes : prières, contemplation, morale étriquée, devoir absolu d’obéissance.
Tout cela relève de l’endoctrinement, de la manipulation. Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent pour condamner le conditionnement utilisé méthodiquement par les sectes. On ne dit rien des mortifications que s’infligent les religieux eux-mêmes, puisqu’ils sont censés être entrés volontairement dans les ordres. Mais que penser du fait que des enfants, des adolescentes aient été confiées d’autorité à des établissements confessionnels ? Malgré la Loi de 1905, le vieil usage qui consistait à enfermer et à punir les « dévoyées » passait par la case « religion ». Les sœurs de Notre Dame de la Charité remplissaient à leur manière le rôle qui leur avait été dévolu par les Juges pour Enfants, parfois aussi par les familles. Le mépris pour les filles de « perdition » se rencontrait dans et hors des institutions du Bon Pasteur. A leur majorité, les jeunes femmes étaient considérées comme des prostituées avérées ou à venir. Il leur était bien difficile de ne pas suivre la voie que l’ensemble de la société leur avait tracée.
S.K.