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Le président-chanoine en terre d’islam

S.K.

jeudi 17 janvier 2008, par K.S.

Après Rome, Ryad...

Le Monde du 15 janvier 2008 relate, sous la plume de Gilles Paris, les interventions du président de la France, Nicolas Sarkozy, en visite officielle en Arabie Saoudite :
Le lundi 14 janvier, il a salué " ceux qui s’efforcent de faire la synthèse profonde de l’islam et la modernité" et loué " Dieu, qui n’asservit pas l’homme, mais qui le libère, Dieu qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes" tout en rappelant son respect pour "ceux qui croient au ciel", comme pour "ceux qui n’y croient pas – athée, franc-maçon, rationaliste –".

Propos largement consensuels avec ceux du roi Abdallah qui, lors d’un pèlerinage à La Mecque, avait affirmé "qu’il y a dans toutes les religions, les croyances et les cultures, quelque chose d’universel qui permet à tous les hommes de se reconnaître comme faisant partie de l’humanité".

Le relativisme culturel constitue une tentation : beaucoup de « gens de gauche » s’y laissent prendre, y compris des enseignants.
Peut-être parce que l’on parle beaucoup de bio-diversité, il y a risque de confusion : les prédateurs sont comme les autres espèces vivantes, nécessaires à l’équilibre écologique.

Mais peut-il en être de même des prédateurs humains, ou de certaines idéologies (nazisme, sexisme, divers racismes, totalitarismes …oui, beaucoup d’ismes, mais que faire, la langue française a les défauts de ses qualités) ? Au nom de la diversité culturelle, peut-on laisser sur le même plan créationnisme et sciences de l’évolution, doit-on accepter les pratiques asservissant, mutilant, torturant les femmes ?

Ce qui est considéré aujourd’hui comme principe essentiel en Europe (la réalité pouvant être toute autre) et que l’on appelle les droits humains, revendiqués par d’autres cultures souvent avec d’autres mots, nécessite plusieurs conditions :
Ainsi que l’énonce Amin Maalouf [1] « Séparer l’Eglise de l’Etat ne suffit plus ; tout aussi important serait de séparer le religieux de l’identitaire ».
Et aussi cultiver le doute comme méthode de pensée : « La métamorphose de l’homme en citoyen ne repose pas sur l’abnégation, l’enthousiasme et la croyance en des « valeurs », mais sur un travail de reconquête de soi-même qui suppose l’épreuve du doute et dont le modèle est le processus de la connaissance. » (Catherine Kintzler) [2].

D’où l’enjeu de l’école, qui devrait être, loin des enseignements doctrinaires ou du relativisme culturel, le lieu d’apprentissage de la pensée critique. L’usage courant qui est fait actuellement dans l’enseignement de la tolérance, selon lequel toutes les opinions sont respectables aboutit à juxtaposer différentes « valeurs » et croyances «  où chacun, chaque groupe s’identifie à lui-même et campe sur son propre espace : le moindre contact, dès qu’il sort de l’indifférence ou de la curiosité polie, ne peut alors être qu’un affrontement. » [3]

[*Au contraire, la laïcité ne pouvant s’enseigner comme une évidence suppose « une formation à la pensée réflexive et critique […] Que cet espace critique soit abandonné ou ébranlé, et le concept de laïcité s’en trouverait affecté. » [4]*]

Le roi Abdallah avait effectué une visite officielle au Vatican en novembre 2007. On ignore si ce prince des croyants a lui aussi été reçu, comme Nicolas Sarkozy le 21 décembre suivant, chanoine d’honneur...


[1Amin Maalouf Les Identités meurtrières

[2Catherine Kintzler – Qu’est-ce que la laïcité

[3C. Kinztler, op.cité

[4C. Kintzler, op.cité