André Arru : enfance et jeunesse
K.S.

Enfance et jeunesse de Jean-René Saulière, dit André Arru (1911-1999).

Article mis en ligne le 5 avril 2007
dernière modification le 6 février 2018

La vie de Jean-René SAULIERE, dit André ARRU, est marquée par divers événements qui vont orienter le cours de son existence et structurer son mode de pensée et d’action.

Premier fait marquant, sans aucun doute, et lui-même en parlait souvent, la mort de son père à la guerre, en 1916, et l’abandon progressif par sa mère qui l’avait confié aux grands parents.
Second tournant : l’écoute de conférences données par Sébastien FAURE.
Troisième moment décisif : à l’annonce de la guerre en 1939, le refus d’y participer, l’insoumission, la prise d’une nouvelle identité, la formation d’un groupe anarchiste clandestin et l’aide aux personnes pourchassées par Vichy.
Enfin, le dernier geste par lequel il a posé, à sa façon à la fois passionnée et réfléchie, sa position d’individu vis-à-vis de la société, fut son départ volontaire le 2 janvier 1999.

[(Les années d’enfance et de jeunesse)]

Jean René SAULIERE naît à Bordeaux le 6 septembre 1911.
En 1914, sa mère s’installe à Paris pour se rapprocher de son mari, mobilisé, et confie Jean-René aux grands-parents maternels. Son père « fut désigné comme agent de liaison et tué à sa première sortie [1] » le 30 mai 1916. Il a six ans lorsque sa mère décide de le prendre avec elle à Paris. Cela dure quelques mois, puis elle le ramène à Bordeaux. Nouvelle expérience à l’âge de neuf ans, le temps d’une année scolaire, et nouveau retour à Bordeaux. «  Ma mère m’avait déposé et était vite repartie ; c’est moi qui en subissais le contrecoup. J’en étais malheureux car je ne me sentais nullement responsable. [2] » A partir de ce moment, sa mère espace les contacts, pour ne plus donner de nouvelles pendant de nombreuses années, en fait jusqu’à ce que son fils atteigne l’âge adulte.
Entre le petit-fils et sa grand-mère, qui lui reproche d’avoir à l’élever, les relations se dégradent, les querelles se multiplient. Jean-René se montre déjà rebelle, et blessé par le rejet de la grand-mère comme par l’abandon de sa mère.

Il commence à travailler à treize ans, et prend son indépendance deux ans plus tard, après une grave dispute avec ses grands-parents.
A dix-sept ans, lors d’une période de chômage, sans argent pour se nourrir et pour payer le loyer de sa chambre, il envisage de s’engager. Un gradé le dissuade de se décider le jour même, lui demandant de réfléchir. Il ne reviendra pas.
Après avoir été employé de bureau, il trouve un travail de représentant. Activité professionnelle qu’il poursuivra jusqu’à sa retraite, avec quelques interruptions liées à la clandestinité, puis à la réalisation d’un vieux rêve : devenir libraire.

A vingt-et-un ans, il part faire son service militaire « avec des idées carrément antimilitaristes [3] », il est affecté dans un Groupe Ouvrier d’Aviation à Cazaux. « J’ai de la chance : 11 mois de présence …peu de discipline… J’ai beaucoup lu dans mon baraquement. [4] ». De retour à la vie civile, il discute beaucoup et défend le communisme tel qu’il le ressent. Mais ne répond pas à l’invitation d’entrer au parti. « J’ignore totalement les théories idéologiques [5] ».
En 1933, il assiste à une conférence de Sébastien Faure.Selon ses propres termes, «  … c’est une révélation [6] ». De cette expérience capitale découlent de multiples rencontres, de nombreuses lectures. «  Mon tempérament ne me permettait pas de vivre en témoin la lutte sociale. Au bout d’un an et demi d’études et de débats je suis convaincu… Je fréquente le groupe de Bordeaux animé par Aristide et Paul Lapeyre et je commence à militer [7] ». L’affaire des « Stérilisés de Bordeaux » éclate et fait grand bruit dans toute la France. « L’ignorance et la bêtise des juges et des journalistes firent beaucoup pour attiser mon militantisme. Cela m’amena aussi à me faire opérer par Bartoseck dès qu’il fut sorti de prison [8] ».

Durant les années 1938 et 1939, une intense activité l’amène à s’occuper des Jeunesses Libertaires, de S.I.A. (Solidarité internationale antifasciste), de l’aide aux camarades anars dans leur lutte en Espagne, puis du soutien apporté à leur évasion des camps de concentration français. Il est nommé, avec Laurent Lapeyre, secrétaire du groupe.

C’est aussi en 1939 que Jean-René rédige, après en avoir fait le sujet d’une de ses premières expériences d’orateur, une brochure sur un auteur et une œuvre d’importance majeure pour sa vie et sa pensée : «  L’Unique et sa Propriété  » de Max Stirner.