« Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant.
Je n’ai jamais cessé de dire… que ces deux condamnations ne pouvaient se séparer, si l’on voulait être efficace… Comme il m’a paru nuisible et indécent d’aller condamner le terrorisme aux côtés de ceux qui trouvent la torture légère à porter…
Chacun, pour se justifier, s’appuie alors sur le crime de l’autre. Il y a là une casuistique du sang où un intellectuel, me semble-t-il, n’a que faire, à moins de prendre les armes lui-même…
Lorsque la violence répond à la violence dans un délire qui s’exaspère et rend impossible le simple langage de raison, le rôle des intellectuels ne peut être, comme on le lit tous les jours, d’excuser de loin l’une des violences et de condamner l’autre, ce qui a pour double effet d’indigner jusqu’à la fureur le violent condamné et d’encourager à plus de violence le violent innocenté. »
(Albert Camus, « Chroniques algériennes », Actuelles III)