« Cher Monsieur Germain » Lettres de Camus à son instituteur
Article mis en ligne le 25 novembre 2024
dernière modification le 15 novembre 2024

par SYLKNOE

Ce petit livre de 120 pages [1] réunit des lettres ou des extraits des correspondances échangées entre Albert Camus et « Monsieur Germain », son instituteur qui sut convaincre la mère et la grand-mère de laisser le jeune Albert poursuivre ses études. Suit un extrait du roman inachevé Le Premier Homme.

Le lien est resté très fort entre l’ancien élève et son enseignant envers lequel Camus est conscient – et reconnaissant- de ce que sa vie, ses engagements, n’auraient pas été les mêmes sans la rencontre avec cet instituteur exceptionnel, qui a cru en l’enfant et en son devenir. « Mon cher enfant », c’est ainsi que celui-ci continue de s’adresser à son ancien élève, devenu auteur reconnu et Prix Nobel.

Voilà une relation entre deux êtres qui réconcilie quelque peu avec l’humanité. Il faut ajouter que certainement, sans la célébrité des personnages, quelques-uns-unes d’entre nous ont été profondément marqués par la rencontre avec des enseignants passionnés et sincères dans leur attention aux enfants. Mais rares sont les cas d’une suite dans le temps.

Par ailleurs, ces quelques pages font découvrir une école qui n’existe plus aujourd’hui, cassée dans sa dynamique à coups de réformes et de contraintes gestionnaires, malgré le bon vouloir des enseignants dont la plupart persistent à tenir. Toutefois, des prémisses se faisaient déjà sentir :

« Avant de terminer, je veux te dire le mal que j’éprouve en tant qu’instituteur laïque, devant les projets menaçants ourdis contre notre école. Je crois, durant toute ma carrière, avoir respecté ce qu’il y a de plus sacré dans l’enfant : le droit de chercher sa vérité. Je vous ai tous aimés et crois avoir fait tout mon possible pour ne pas manifester mes idées et peser ainsi sur votre jeune intelligence. Lorsqu’il était question de dieu (c’est dans le programme), je disais que certains y croyaient, d’autres non. Et que dans la plénitude de ses droits, chacun faisait ce qu’il voulait. De même, pour le chapitre des religions, je me bornais à indiquer celles qui existaient, auxquelles appartenaient ceux à qui cela plaisait. Pour être vrai, j’ajoutais qu’il y avait des personnes ne pratiquant aucune religion. Je sais bien que cela ne plait pas à ceux qui voudraient faire des instituteurs des commis voyageurs en religion et, pour être plus précis, en religion catholique. » (30 avril 1959, pp.61-62)

Aujourd’hui, l’école dite libre reçoit de substantielles subventions, tandis que l’on supprime des postes d’enseignants du public. Et, pour ne pas « faire de vagues », le ministère et les académies s’abstiennent de protéger les professeurs menacés, agressés, puis finalement assassinés par des islamistes. Il aura fallu deux morts – Samuel Paty et Dominique Bernard – pour que les autorités commencent à regarder, prudemment, vers la réalité du terrain.

Léonore